Le Site de la Rôtisserie 2010-13

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02 - Un pont trop loin (Le Coin Culture)

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Ce n'est un secret pour personne, l'esthétique dans le sport est pour moi un élément aussi important, si ce n'est plus, que l'enjeu ou le résultat (ce qui explique pourquoi j'ai parfois un peu de mal à résister à l'envie de me passer les cornées à l'émeri devant certains matches de la coup du monde.)
C'est donc avec l'impatience et le self control d'un chiot en attente de sa promenade que je me préparais à la réception du nouvel habillage de l'une de mes équipes favorites : Les Golden State Warriors.
Des fuites suffisamment nombreuses pour évoquer le Titanic ayant circulé sur le web, nous savions déjà que la franchise envisageait un retour aux sources, reléguant aux oubliettes leur déguisement actuel pour revenir aux couleurs qui firent leur gloire dans les années 70. On mentionnait même avec insistance un comeback fracassant de mon deuxième uniforme favori de tous les temps (en termes de basketball et juste après celui-ci) : le fameux maillot orné du Golden Gate et de la mention "The City" (une audace d'autant plus grande que ce dernier avait été dévoilé durant un déplacement à New York, devant un public du Garden soufflé, mais conquis, de voir San Francisco leur voler la vedette...).

Autant l'avouer de suite, si le revival prévu a bien eu lieu, la franchise californienne qui s'est fait depuis quelques années (décades ?) une spécialité de tout rater n'a une fois de plus pas su déroger à sa philosophie de base : si ça marche pourquoi ne pas tout démonter, on arrivera bien à recoller les morceaux après.
Voilà comment les hommes de Chris Cohan en sont arrivés à adopter les logos et uniformes ci-dessous :

warriors_primaryLogo.jpgwarriors_jersey.jpg


A première vue pas de quoi écrire à sa mère que ce soit pour lui annoncer une épiphanie ou la vaporisation instantanée de vos rétines, mais si on prend le temps de se pencher un peu plus avant sur la question, c'est toute la nouvelle identité de l'équipe qui apparaît rapidement comme un amoncellement d'occasion manquées.
Considérons tout d'abord la première pièce à conviction, à savoir le logo : malgré des qualités de composition indéniables (vive l'asymétrie !) il est tout de même assez difficile de se défaire tout à fait de l'arrière gout de clippart rance laissé par ce design. Comble de maladresse, l'emploi d'une police de caractères standard (copperplate gothic pour ne pas la nommer) ajoute encore à l'impression d'amateurisme et de vite fait, mal fait de l'ensemble.
Mais ces considérations esthétiques ne doivent pas occulter le principal aspect de la faillite de cette entreprise. L'échec vient bien de la conception elle même : en entourant un logo, certes générique mais non dépourvu de charme, de la raison sociale de l'équipe, les designers sont passés totalement à côté du concept qu'ils cherchaient à émuler. Les Warriors des 70's avaient l'arrogance de se faire précéder d'un "The City" qui affirmait que le monde entier avait déjà entendu parler d'eux et de leurs exploits et positionnait de facto, leur ville comme capitale de la NBA. Ceux de 2010 arborent un petit badge avec leur nom épinglé à la poche de leur chemisette et distribuent des cartes de visite à la mi-temps. Entre les deux approches, il y a le même écart qu'entre un rot et un soupir.

Quant à l'uniforme en lui même, difficile de trouver là encore quoique ce soit de positif à une telle avalanche d'opportunités galvaudées et de renoncements. La gamme de couleur par exemple ne semble pas être définitivement fixée (on navigue encore à vue entre marine et royal pour le bleu) mais on peut avant tout regretter que les Warriors n'aient pas réussi à obtenir de la ligue la possibilité de jouer en jaune à domicile, tant l'uniforme blanc se rapproche de celui des Nuggets. On notera également que dans une énième et pathétique tentative de se raccrocher aux branches du glorieux héritage esthétique de la franchise, les concepteurs ont inclus le numéro du joueur à l'intérieur du logo. Las, ce qui était un coup de génie esthétique à l'époque passe ici un peu moins bien qu'une conversation sur les hémorroïdes au thé de la marquise.

Au final, les graphistes et designers qui se sont penchés sur le berceau de cette nouvelle identité n'auront réussi qu'à lui faire cadeau d'un troisième chromosome 21. C'est d'autant plus dommage qu'il leur aurait suffi de piocher au hasard parmi la quasi totalité des uniformes passés de la franchise, voire d'avoir le courage d'assumer leur incapacité à se hisser au niveau d'un des designs les plus marquants de l'histoire et de ressusciter purement et simplement ce dernier pour obtenir un résultat dix fois supérieur.
Et avec un cablecar dans le dos en bonus...